jeudi 4 juillet 2013

LSD

Nous partons de chez moi avec un fou rire. Dehors il fait beau. Nous nous allongeons au parc, sous un arbre. Le plus gros et le plus solitaire. Le ruisseau juste à côté est une berceuse. Elle prends quelques clichés avec son appareil. Je n'ai pas l'impression d'être en ville. J'ai l'insouciance des vacances à la campagne. Elle se marre, l'herbe lui chatouille les pieds. Je lui dis que je n'ai pas de déformation mais la glotte dans la salive. Ca part de la gorge et du torse pour se diffuser vers les oreilles et dans tout le crâne, le même chemin que la MD... peut être le même chemin de toutes les drogues, mais différemment, comme boire du café ou du coca vous fait sentir votre trachée différemment. Avec la drogue, les émotions sont indissociables des sensations physiques. Ce n'est plus uniquement "ca picote" mais "c'est comme... euh... un genre... de... je suis défoncé". Ce n'est plus seulement "j'ai chaud" mais "au niveau du... ca fait comme... euh... je suis défoncé". Ses cheveux ondoie lentement. Je les distingue tous en même temps, c'est magnifique. Pareil pour les brins d'herbe et le pollen. Je m'étais toujours demandé comment on réussissait à respirer le pollen sans jamais le voir. Et bien voilà: il est là sans qu'on y fasse gaffe. Mais aujourd'hui j'ai l'impression qu'on est bombardé. Ce n'est pas une déformation... Tout garde sa forme réaliste... Mais ma vue a évolué en camera HD avec une mise au point du bout de mon nez jusqu'à l’infini. Tout est net et je vois plus d'image à la seconde. C'est mieux qu'avoir des hallu, beaucoup mieux. Nous sommes dotés d'une meilleure vue, d'un meilleur odorat et d'une meilleure ouïe... d'une meilleure vigilance. Je n'ai pas l'impression d'être défoncé mais d'avoir été boosté. Totalement inattendu. Mieux que tout. Nous voyons comme tout est lié. Le moindre détail agit sur tout. Habituellement on ne peut le remarquer. C'est trop infime. Mais là, je suis certain que tout se conditionne. C'est une sensation incroyable. Je n'ai pas besoin de faire attention aux oiseaux pour les entendre s'envoler. Chacun de leur cris est comme parvenu du fond de l'espace et résonne partout leur lumière. J'éprouve un besoin de communion absolu. J'aimerais vraiment me mettre à poil et plonger dans le lac. Nous nous écartons sous le soleil, j'enlève mes chaussures, mon t shirt mais garde mon pantalon. Adam et Eve, les 1er hyppies de l'univers. J'ai vraiment cette impression. En plus contemporain. Jonh Lennon et Yoko. Elle en a carrément le look. Je m'imagine maigre et barbu. 
Le ciel est vivant. Son bleu relève des cumulus charnels qui se déforment et se dispersent en tourbillonnant, comme du sang dans de l'eau. La douceur de leur mouvement donne l'impression qu'ils s'appliquent à trouver la forme parfaite. Non... ils dansent depuis la nuit des temps... Des fumeurs de shit traine leur minimalisme trop près de nous. Nous démobilisons nos années 70 un peu ailleurs. J'attrape mollement mes fringues comme si je n'en avais plus la responsabilité. La terre sèche me brûle les pieds. Emelyne me suit de quelques mètres. Chacun de ses pas parviennent jusqu'à moi. Je contourne un buisson pour le punir. J'entends un jogger qui se dirige vers moi. Je n'ai pas entièrement confiance en l'image "rien à branler" de "La guerre des boutons" ... je n'arrive pas à décidé si je suis disposé à rester le cul à l'air. Emelyne hors de ma vision, je m'éloigne un peu de la bulle rassurante qui s'était crée et me demande à quel point mon jugement est défoncé. Je décide de me rendre ma dignité en inventant une règle substantielle : tu ne couperas jamais ton débit de pipi !
Après nous être prélassés au bord du lac, l'air se rafraîchissant, Emelyne décide de rompre l'illusion d'appartenir à une dimension plus belle en proposant d'aller acheter à manger. L'idée ne m'enchante pas mais j'ai conscience qu'il ne faut pas s'accrocher. La défonce décline, il faut la laisser s'en aller. Sur le chemin, je sens que nous dévions. Le soleil se cache derrière les bâtiments, les gens jouent de plus en plus leur rôle, et nous nous retrouvons en plein milieu du centre commercial. Le carrelage blanc me gèle les pieds. Emelyne me demande ce que je veux. Me tirer d'ici. Je n'ai qu'une envie : retourner me droguer à la vitamine D. Mais le Soleil magnifique se couche déjà. Chaque minute passé dans ce trou aseptisé me fait regretter la terre des singes. Ya ce mec qui me fait beaucoup de peine. Il a une déformation du visage, du type "Chantal Sébire", en un peu moins évolué, la vision encore intacte. J'essaie de ne pas ne pas le fixer, j'essaie même de paraître indifférent. Je me sens ridicule. Merde... son pote a le même problème... Non! Je n'ai pas le droit de me lamenter à leur place, c'est déplacé! Un troisième! ... Autant d'un coup... c'est horrible... Ah non, c'est ma caméra HD qui a évolué en fish eye! Le monde est devenu le repère des hommes grenouilles. Tout le monde est moche, sauf Emelyne bizarrementNous volons du saucisson et payons le pain. Emelyne me dit que la caissière à flashé sur moi. Moi j'étais en train de mater le client qu'elle encaissait. Bizarrement, lui non plus n'a pas une tête de grenouille. Au contraire, il est très beau. Un Prince Arabe. Au vu du calme et de la satisfaction qu'exprime son regard, je m'imagine qu'il est omniscient. Je délire grave. Mais je rapatrie mon intérêt sur la caissière "Bonjour très... très charmante caissière" J'ai bugué et en plus la tournure de ma phrase fait un peu peur. Mais je ne me sens qu'à moitié con.
Nous allons nous asseoir à l'orée du parc. Notre langue est anesthésié à cause du LSD, le soleil s'est couché et apparemment les moustiques avaient organisé une soirée sur nos gueules. Comment ça réagit au LSD un moustique? Est ce qu'ils auront une meilleure perception de ce qu'ils sont en train de piquer? Est ce qu'ils quitteront le vortex de l'incertitude pour juste apprécier avoir 2 ailes et une petite trompe? Est ce qu'ils voletteront dans le ciel en s'alimentant l'esprit de ce qui parait si frugal ? Des idées puérils, comme mettre du LSD sur le steak du président, me traversent l'esprit.