dimanche 31 mai 2015

Je te vois

Je regardais énormément les gens... Pratiquement tout le temps. Progressivement, le regard que je leur portais m'a fait mal. Il m'a rappelé la distance qui survivait entre nous. Alors j'ai arrêté. Par politesse, par orgueil, par peur, j'ai arrêté... Mais regarder les autres était ma nature! La rengaine et l'aliénation... voilà de quoi me sauvait ce regard que je porte sur tout et tout le monde. J'ai inlassablement besoin du sentiment de liberté que ça me procure. Les règles, les conventions, la politesse, le jeu social... dérisoires. Elles ne doivent pas m'empêcher de regarder. Chaque jour doit être celui de la réaffirmation de cette liberté. Si ce n'est pas le cas, si ça n'arrive pas, je me terre dans la rengaine et l'aliénation. Mes yeux ne veulent pas fuir. Loin devant existera toujours. On s'invente des hauts, des bas, en réalité la vie ne se conjugue que d'une manière : au présent. Au nom de ce présent qui me rend libre, je regarde! Contempler même ce qu'il y a de plus susceptible me procure une force incroyable! Je ne laisserais pas doute ou peur me gêner avec jugement! Je ferais comme auparavant, souriant que je m'en bas l'aile, je regarde sans me demander pourquoi, comme un putain de besoin, mon droit sacré.
Et toi? Pourquoi es tu gêné par mon regard?

Le corps sert avant tout à contempler, à ressentir, à comprendre. C'est là son 1er rôle, le plus essentiel, avant même l'expression. Le corps est autonome. Ce n'est pas fructueux de s'épuiser à conquérir le corps et l'esprit des autres, comme si on voulait qu'ils nous appartiennent, comme si nous étions l'exemple suprême. Vouons leur plutôt une contemplation sans faille, une écoute courageuse et nourrissante.

"Dans la racine du mot "négligence", il y a le mot "lire". Faire preuve vis à vis d'autrui de négligence, c'est être devant lui comme devant un livre que l'on n'ouvrira pas, le laissant à lui même obscur, privé de sens." Bobin

 "La joie est en nous bien plus profonde que la pensée. Elle va beaucoup plus vite, beaucoup plus loin" Bobin

jeudi 14 mai 2015

Arrêtez votre cinéma!

Je vais au cinéma avec cette fille. On dit qu'on sort ensemble, mais déjà, il y a un déséquilibre. Je viens de débarquer à Montpellier, et hormis mon succès sociale dans le cours de théâtre ou l'on s'en rencontré, je ne connais pas grand monde et n'ai pas vraiment d'ami. Elle, elle est née à Montpellier, c'est chez elle. Elle n'a pas le temps de s'ennuyer ou de se sentir seule très longtemps. D'ailleurs, elle s'en plaint, bien qu'elle soit très souvent en retard. C'est sa vengeance sur ce temps qui la réclame constamment. Dans notre "couple" qui ne tiendra pas, c'est moi qui la réclame. Elle m'y force en ne me donnant parfois aucune nouvelles pendant 1 semaines alors que l'on vit à deux rues l'un de l'autre. Je le sens comme une injustice, un manque de considération de sa part. Parfois, quand je débarque chez elle à l'improviste, elle me demande pourquoi je suis là. Je lui réponds maladroitement que j'avais juste envie de la voir. Elle me dis qu'elle trouve ça bizarre. Je lui en veux de m'humilier ainsi. Au fond, on s'est emballé. Les nombreuses résonances de nos premiers échanges ne présageait pas combien nous étions différents dans notre conception de la relation amoureuse.

On croise une dame devant la salle de cinéma. Elle nous demande de ne pas entrer avec nos verres pleins, ça peut salir les tapis et c'était "ceux qui paient des impôts qui rembourseraient".
Dans la salle, ma "meuf" et ses amis discutent. Parfois, je me tourne vers eux, mais ils ne m'adressent pas la parole. La distance est comme un bloc de béton qui m'écrase la poitrine et je n'arrive plus à m'en défaire. Je sors bien avant la fin de la séance. Dehors, la dame du cinéma fume une clope. Elle m'explique que la salle appartient à la mairie, que ce n'est pas une salle privée, qu'on ne peut pas faire n'importe quoi, que c'est normal de faire gaffe alors il faut le dire au gens et c'est définitivement normal. Elle me passe son discours en boucle, elle y tient. Elle a l'air bien seule...

Elle écoute poliment mon point de vue, bien qu'elle ne décampe pas. Je lui trouve le même air que Marine Le Pen devant ses détracteurs: bonne mine, disponibilité, programme détaillé, arrière goût de despotisme... Puis elle me parle du manque de travail pour les français, que les étrangers sont un poids de plus, des trucs du moyen âge (faire une guerre permet une recrudescence économique...) Je ne peux m’empêcher de penser "j'étais pas loin..." Mais elle ne me semble pas moins fréquentable pour autant. On continue de discuter. Elle se réclame d'une lucidité fataliste. Pour elle, on ne peut faire le bonheur de tout le monde et il faut nécessairement des laissés pour comptes pour que la machine continue de tourner dans son ensemble. Je lui exprime mon désaccord... et ça ne la dérange pas, elle ne sourcille pas, elle ne bronche pas. Elle m'écoute. Le bloc de béton sur ma poitrine se soulève un peu. C'est ironique: je me sens soudainement plus proche d'une personne dont je ne partage pas les idées qu'avec "ma copine" avec qui, en la théorie, nous avons peu de désaccord.

Cette femme me semble avoir vécu quelque chose de difficile... aucune vie de famille, s'occupant de la même salle de cinéma depuis 35 ans, s'en fiche de paraître antipathique avec toutes ses idées... Son fatalisme et son sentiment d'insécurité sont un paradoxe et ses idées de solutions pour y pallier son restrictives. Il y a des esprits comme ça, qui ont du mal à croire en l'alternatif, la nouveauté, à rêver un monde globalement meilleur. Je ne lui en veux pas. J'imagine qu'on la blâme assez pour ces idées, qu'elle est devenu une énième victime des étiquettes... J'avais écrit un truc sur le fait qu'on ne devrait plus considérer les racistes comme des racistes... Coller des étiquettes sur une chose d'aussi sensible et vaste que l'être humain est injuste et complètement contreproductif.

Je trouve les rencontres seul à seul plus avantageuses que toutes les autres. Je dirais même, plus nécessaires. On s'y sent moins acculés par les regards, moins en danger, plus ouvert à sa propre vulnérabilité. J'ai toujours apprécié ces moments. On peut se confronter idéologiquement contre un groupe, mais tant que ses membres resteront entre eux, ils dépendront du collectif et seront forcément un peu hermétiques au reste du monde. Leurs idées, ou les vôtres, stagneront parce que vous n'aurez fait que vous opposer avec votre mental. Seul à seul vous pourrez vous permettre plus d'authenticité. Les cœurs s'ouvriront et seront plus enclins à échanger. Dans une foule l'humilité du cœur qui reçoit est bafoué et souvent les personnes sont soit déjà convaincues, soit ne changeront pas d'opinion. La compréhension de personnalités fortement contrastées est plus profonde, du moins, leurs similitudes sont plus remarquables lorsqu'elles sont face à face.

L'immobilité du paraître

Dans ce monde, contrôler est mauvais conseil. Rien n'EST. Tout VA. Tout est mouvement. On ne peut contrôler un mouvement mais seulement chercher à l'accompagner

"Cette fleur est moche"

Contrôler est fixation, attachement à une image, un concept, une croyance, pas écoute du mouvement. Expérience ressemblante n'est jamais expérience équivalente, jamais expérience similaire, jamais futur de l'expérience.

"J'ai déjà rencontré une fleur aussi laide. Je l'ai mangé et je suis tombé malade"

On ne peut chercher à contrôler un mouvement sans le blesser avec nous. Le mouvement est créature libre. Ne pas contrôler mais regarder, écouter, sentir, simple témoin. Aimer toutes les parties dans leur échange. Ne discréditer aucune d'entre elles. Contrôler est condamner. Condamner est voler la liberté d'un mouvement. Partager n'est pas condamner. Aimer n'est pas condamner. On ne fige pas un mouvement, ni dans le passé, ni dans le futur, on ne fait que suivre les différentes partie de son corps, dans le présent. Aimer est éternel adaptation, éternelle acceptation.

"Que fais tu fleur bien laide? Je suis l'homme qui mange."

Contrôler est s'entêter, s'arrêter tandis que tout va. Aimer n'est pas oublier, mais laisser place. Aimer est instruire de l'extérieur vers l'intérieur, aimer est laisser l'autre résonner en soi. L'expérience est propice au savoir du corps. Le savoir du corps est propice à l'abandon mental. L'abandon mental est propice au dépouillement. Le dépouillement est propice à la vie.

"La fleur est laide mais succulente pour le corps"

Théoriser le "bien" mène moins rapidement au savoir qu'observer le "mal". Dans ce monde, aimer, c'est épouser des mouvements libres, être le mouvement vidé par ceux extérieurs. Le vide est remplis d'espace...





lundi 4 mai 2015

C. tu sais, ça peut paraître futile, du haut de mes 25 ans, j'en ai vu des trucs. Je suis loin de tout savoir, ca me ferait rire de croire le contraire, pourtant mon bagage est moins fait de crainte que d'amour... La terre est ronde, je ne m'en remets pas. Tu me regardes bizarrement quand je te parle des choses qu'il se passe à l'autre bout du monde. Le monde, nous deux ou juste toi, c'est pareil, la même logique. Tout est en lien, je n'en démords pas. Je souhaite à tous, loin d'être un tourment, sans se mentir, le même amant: Le monde. Je veux bouger et entrevoir, car ma place est là où l'amour s'affaisse. Tout m'accable, et ma seule force est d'attendrir mon regard, de tout mettre en lien en reconnaissant ce lien comme unique cause. Je ne peux m'en défaire, je ne peux rien nier. Si la maltraitance de l'humain, de l'animal, de la plante, de notre Terre est possible, c'est que nous sommes encore ignorant. Je ne resterais pas planté là à vivre l'homme moderne, l'homme urbain et illusoire, la virulente abstraction. J'irais me confronter à la peste, embrasser le feu hurlant des condamnés, et la peur prospère qui dans les cœurs affamés laisse place à l'épuisement. J'irais désigner la faute, lui montrer qu'aucune chute ne me décourage désormais, et ce sera grâce à vous, femmes désespérées, qui m'avez appris ce que je cherchais aveuglément de votre part: un amour total, un pardon déraisonnable. Je me bats contre les regrets. L'esprit à trop de trésors pour que je vous en veuille. L'humain n'a jamais assez de regrets. Il lui faut assouvir sa peur de la solitude, d'un dieu inexistant, d'une existence insensée, il lui faut toujours puiser dans le vide ce qui est omniprésent. J'irais leur dire aux coupables que je leur pardonne et les aime, qu'il n'y a pas culpabilité à avoir, qu'il suffit d'ouvrir les cœurs, que tout est pour le mieux.

Tu sais, la terre est ronde... Le cosmos proféra sa magie jusqu’à elle. Certains disent qu'un caillou peut "penser", qu'il peut s'adapter, aux même titre qu'une plante. La pierre nous survivra car elle était là avant nous. "Nous" mourrons avant nos cellules pour les mêmes raisons. Nos choix, leur décision. La pierre laissera exploser les volcans et tremblera de toutes ses forces quand elle en aura assez. Il ne faut pas avoir peur et rester humble. Il nous faut être reconnaissant de la vie et l'aimer tant qu'on peut.