mardi 20 novembre 2018

Un éleveur aime son bétail.

On ne dit pas d'un éleveur qu'il aime ses animaux. On dit ce genre de chose pour une personne aimant son chien ou son chat. Elle a perdu du temps et de l'argent pour leur bien être, elle a essayé des les comprendre, de faire cohabiter leur différence, de communiquer. Elle les a accompagné jusqu'à leur mort, et elle a pleuré quand ils sont partis. Elle ne les a pas fait naître et vivre dans un enclos dans l'attente qu'ils soient pesés, abattus et suspendus par des inconnus en tablier. Elle n'a pas pris leur lait pour le vendre, ne les a pas dresser pour jouer dans un cirque, contraint à l'enfermement et à une batterie de tests, soumis à ses objectifs de productivité financière. C'est le contraire. L'éleveur a fait ça. Un éleveur n'aime pas ses animaux. Il aime son bétail. Il aime ses esclaves.

mercredi 24 octobre 2018

Mer nacrée, évanescence astrale derrière l'horizon. Debout sur mon bateau, je remarque à peine le paysage, sa substance reste périphérique, je me complais dans une semi contemplation, imaginant la poésie, ses couleurs, ce que le mot même m’évoque, et pourtant, je pressens mon erreur, trop satisfait par cette absorption, ou trop insatisfait, je n'en sais rien. Le vent se fracasse contre les voiles de mon navire tendu, les voiles de mes pensées. Et puis merde, même quand je crois ne plus imaginer quoi que ce soit, il faut que je sonde benoîtement cette étendue de flotte tout autour de moi, c’est à dire, partout où je ne suis pas. Je suis debout dans une coque, je glisse entre vents et eaux, mais la contemplation que je leur voue tremble sous les afflux de mon mental. Et moi, qui je suis dans tout ça? Les vents contraires sont les artères du ciel, fleuves et rivières sont ceux de la terre. Tous se jettent dans l’océan, cœur de mes songes. Je ne sais pas voler, je ne sais pas voguer, mais je peux couler. Je ne tends plus la voile, le navire est en proie d’une indicible prostration. Le poids du bon sens fait craquer le navire durant des jours, perce la coque de toute part. L’eau engloutit le bois gondolé au compte goutte et le bateau chavire si lentement qu'on le croirait attaché à des milliers et des milliers de fils se rompant les uns après les autres. Plusieurs saisons ont passé, et la pointe du mat embrasse presque la surface miroitante de l'eau. Une oreille contre la mer pour sonder le bruit de ses entrailles, mon navire s'enfonce tranquillement, comme dans une épaisse boue. Bientôt, nous seront immergés. Le monde n'existera plus jamais à mes sens. Indolent, le navire s'éloignera de moi, l'océan nous séparera: des jouets perdus dans son immense chambre. Disparaissant dans l'abîme, les maigres rayons du soleil me désigneront l'unique trajectoire. Plus au fond encore. Je coule, je m'absorbe, je comprend mon inconsistance. Le silence qui se tenait tout à l'heure à distance de moi pénètre désormais chacune de mes cellules. Je croise un gigantesque mirage dont les gouvernails de chair me font songer à l’homme que je tentais d’être. Son chant d’orgue convie ma solitude à un abandon définitif. Je glisse goulûment durant un siècle, un millénaire, trois secondes. Le temps est devenu une chose impossible, une chose qui se décompose mais résonne toujours, ou bien dort t-il profondément. Chut... Là haut, le jour ne se lèvera plus. La croûte terrestre respire avec tant de délicatesse... Personne ne s'en était aperçu. Le sable gonfle et roule dans un sillon ridicule pour y disparaître. Je m'y engouffre. Et glisse, et coule, et glisse, et coule dans l’espace insondable, spectre infini dont l’océan n’était qu’une variation terrestre. Mon corps s’est dissout en traversant des étoiles. Le chant d'orgue s'est accroché au pan de ma chute et m'accompagne, à peine perceptible, vibration douce et pleine de langueur subjuguant les abysses, œuvrant des énergies sidérales :

Les bateaux quelques fois, n’ouvrent point élancé, n’attachant pas les voiles et subissent pensées,

Les grands mats des paquebots, sont tuyaux de poussières, qui s’abattent roseaux, aux couleurs prisonnières,

Sous la plage de sable, éloigné de toute onde, douloureux animal, caressé par la trombe.

Enfant intérieur

"Trouver son enfant intérieur" et "faire l'enfant" - expression injuste sous entendant un lien intrinsèque entre enfance et comportement puéril - sont des choses distinctes. "Trouver son enfant intérieur" ne s'agit pas de se rouler par terre en hurlant pour exprimer son mécontentement, de péter dans le nez de son copain pour la blague ou d'enfermer sa copine sur le balcon par temps de gel, mais d'apprendre, ou plutôt de désapprendre ce qui nous empêche de trouver du plaisir dans les choses simples, des activités solitaires autant qu'à plusieurs, et de cultiver l'innocence sincère pour toujours se laisser surprendre par les déguisements que la vie aime porter, rompre avec nos schémas immuables remplis de préjugés, abandonner une bonne partie, voir la totalité, de nos attentes et désirs de contrôle. Trouver son enfant intérieur c'est le réinventer, le ré-enfanter avec le monde, et donc d'ouvrir tout notre être au présent qui est l'organe reproducteur suprême de l'âme.

Pensées

Les pensées font s'échapper du présent. Le présent fait s'échapper des pensées.

La nostalgie est la faculté d'oublier les mauvais moments.

Se défendre de tout est une forme d'apitoiement.

En ne renonçant à rien, on s'abstient de choisir.

L'absence de soi et s'abandonner à quelque chose sont deux choses distinctes et contraires.

Ils disent que la société tue notre créativité. Peut être. Mais c'est aussi nous qui l'abandonnons.

La pudeur c'est aussi vouloir rationaliser les émotions, chercher à tout décortiquer avec des mots plutôt que vivre le grand vertige de la vie.

Douter et croire sont la même chose. La vie c'est : à quel point puis je accepter de n'être sûr de rien?

L'humain, ce grand mur, ce grand instable, ou bien cette libération, ce ciel.

J'ai vu la douleur cacher un potentiel bien plus lié au bonheur qu'on le pense. Celui qui n'a jamais souffert est pauvre.

Accepter les choses telles qu'elles se présentent ou bien croire en un réconfort post mortem, chacun sa stratégie.

Il y a des choses que je n'ose leur dire par crainte de frustrer ce qui habituellement flatte leur égo.

Plus tu vieilli, moins tu t'éloignes de tes propres lois, moins tu es prompt au changement. Tu t'observes faner de l'extérieur, alors ton esprit pense aussi dépérir, et tu nourris ta lenteur comme l'ultime crédo qui le retiendra.

Luttent contre le pouvoir ceux dont la liberté en souffre, où qui en ont souffert de sorte que leur mémoire en ait gardé l'indélébilité.

Le vrai pouvoir ne lutte jamais. Sitôt il le fait qu'il est en chute. Le pouvoir se maintient tant qu'il ne l'oublie pas.

La pensée est lutte.

Les choses nous dérange seulement dans nos limites.

La lâcheté n'est pas de la peur, mais une réaction à celle ci. Il en existe une autre: Le courage, n'existant pas sans la peur.

Les enfants n'ont pas besoin de faire le ménage. Seuls les adultes l'ont.

Les adultes ont beaucoup de besoins auprès des enfants mais se convainquent de l'inverse, comme un citadin peut se convaincre de la médiocrité de vie d'un campagnard.

L'humilité provient du respect de l'impermanence.

L’indifférence est parfois un masque modelé par le sentiment d’impuissance

Il n'y a que Dieu qui puisse juger... idée complètement absurde. Il n'y a que Dieu, être omniscient, qui puisse savoir qu'absolument personne ne peut être jugé.

lundi 27 août 2018

"J'avais qu'un rêve mon extase
Courir jusqu'à en être naze
Et puis mourir d'épuisement

J'voulais sortir de la case
Changer d'titre et de blaze
Bifurquer loin dans le temps"

Poitrine serré, ton cœur convulse
Tes rêves blessés qui t'impulsent
A te satisfaire de pas grand chose
Médiocre plutôt qu'humble, tu te surdoses

De programmes à la con
Et de jugements monolithes
Des relations de surface
Qui t'invitent
A pas faire d'vagues, un ptit détour à prague
Tuer le temps plutôt qu'plonger dans tes arcanes

A tous les égos blessés
Qu'ont du mal à s'élever
A toute gorge serré
J'aimerais vous sevrer

On est pas né au 7e ciel
Mais dans une couche en plein bordel
Le regard fou, le cœur rebelle
Une matrice cicatricielle

L'humain minaude sur sa connerie
Joue les marioles désabusés
Mais si seulement il voulait bien
S'arrêter de geindre et écouter

Si le monde n'est pas mort
Il ne fait qu'nous résister,
Les oiseaux naissent pour s'envoler
Quj'en vois en cage et j'vais vriller

Nos oriflammes s'emballent
J'ai pas d'patrie, rien qu'une âme
J'connais le goût du blâme
La morale m'est égale

Plus d'une étoile a vu le beau
Quittons la cour des pros
En bas dla tour sommeille la vie
"Blesse le papier" surgit l'esprit!

Pour nous aimer sans un écart
Il n'est jamais trop tard
Si les infirmes peuvent s'envoler
Les crapules peuvent contempler

Notre impudente jovialité
Est la porte du vivant
Il arrachera l'ongle incarné
Et fera revivre nos cœurs d'enfants

Nos points d'sutures sont les ratures
D'une utopie sans boursouflures
Ou carpe diem est souverain
Et ou je t'aime se dit sans fin,

La vie d'bohème est dans le vent
Embrasse le vide, disperse les rangs
Dors dans les rides que cachent les gens
Dans leur sommeil, des rêves d'enfants

Erotisme

Un jour j'ai dit "l'Art consiste à trouver qui l'on est en même temps qu'une manière de le dire au monde" Non que j'ai changé d'avis depuis, mais l'idée ne précisait pas assez son lien étroit avec la blessure inhérente à l'individualité. L'Art est la recherche de ce qui semble beau à nos yeux et dont nous devons nécessairement faire parti. L'on cherche à incarner une vision, tributaire d'un rapport unique entre nos mondes, définissant les conditions de notre recherche où l'humain est capable de créer une beauté relative à absolument n'importe quoi - la terreur, l'absurde, l'amour, la joie, la compétition, le silence, la cuisine, la corrida etc... - pourvu qu'elle le satisfasse d'un certain dépassement de lui même lui procurant et transcendant sa solitude. Tout peut être prétexte de cette recherche, comme j'ai pu trouver beaucoup de beauté dans la tristesse, la mélancolie. Comme il a été le sentiment qui dominait le plus en moi, il était cohérent que j'y trouve une raison d'existence, une légitimité. Chercher cette beauté "à travers soi" est la tentative de nous rendre intelligible, à nous même et puis aux autres, afin de permettre à tout ce qui nous constitue d'être représenté dans un geste, et de recevoir la preuve sensible, la validation du vivant, comme un vent continuel d'apaisement sur l'ensemble des évènements constituant notre mémoire émotionnelle. Je gage que chaque acte cachent cette intention d'entendement et de reconnaissance, cette recherche de beauté dans les actes même les plus suicidaires.

mercredi 11 juillet 2018

Pourquoi est il possible de croire que le crime est évitable avec la sévérité d'une justice qui inflige frustration, peur et culpabilisation? Pourquoi une justice qui prends en compte chacune des parties et s'attelle à toutes les réparer ne serait t elle pas efficace? Pourquoi est il plus aisé de penser à une punition plutôt qu'à une guérison? Pourquoi est il possible de croire en la répression plutôt qu'en la prévention? Pourquoi est il possible de croire que le crime d'une personne s'est mué dans les pires intentions plutôt que dans la souffrance et l'ignorance, en réalité, faisant du coupable une victime? Pourquoi est il possible de voir la justice comme une guerre entre deux parties plutôt qu'en la coopération d'un seul ensemble? Comment est il possible de croire en une méthode dont on connaît les injustices plutôt qu'en une justice révolutionnaire, sensible et intelligente?


Je rêve d'un monde ou les coupables sont réparables,
On a tous été victime de quelque chose
Aucun enfant ne né avec la connaissance d'un crime, ce sont les averses qui entraînent le déluge.

dimanche 1 juillet 2018

« Le 13 juillet 1937, Marian Anderson s’est vu refuser le droit de séjourner à l’hôtel « Nassau Inn » pour l’unique raison que sa couleur de peau n’est pas celle des dominants sur ces terres volées que sont les États Unis d’Amérique. Depuis, j’ai pris la liberté d’inviter Marian Anderson à loger chez ma femme et moi même durant ces déplacements artistiques à Princeton. Elle a aimablement accepté.

Au regard de cet évènement, je souhaite déclarer publiquement que, dorénavant, je refuserais de côtoyer l’hôtel précité, comme je le refuse pour tout établissement incapable de courage face aux mœurs violente de leur époque et faisant preuve d’un outrage insupportable lorsque, sur la base de la colorimétrie, l'espèce, la race, le sexe ou les idées d’un individu, exclue celui ci sans concession et sans démontrer que ces caractères contiennent quelque chose de violent dans leur fondation.

En outre, je souhaite prévenir mes camarades : S’il apparaît que ceux ci continuent de fréquenter pareils établissements tout en étant informé de leur intolérance envers l’individu innocent, je serais dans le devoir le plus formel d’abolir toute forme de sympathie à leur égard. Bien que n’étant pas la victime de ces agissements, je sens que ça aurait pu être le cas. J’aurais pu naître africain, asiatique, femme, nain, chat, chien ou que sais je autre forme de monstruosité aux yeux des sentiments dénigrants et moqueurs. Et même sans cela, tous les indices de la haine démontre leur curseur aléatoire. Si aujourd’hui et ici je suis admis, demain et ailleurs je serais bannis. Je me sens intimement lié à n’importe quelle victime des diktats. Savoir que je suis né juif et que ma communauté souffre des lubies d’un tortionnaire en Allemagne, cela ne change rien. Je n’ai pas à me sentir juif pour me sentir humain. Dés lors, quand un être vivant est persécuté sur la simple base de son aspect ou de ces capacités, je suis également persécuté. L’autre sera toujours une partie de moi même. En conséquence, si mes amis continuaient de côtoyer de telles institution, ils trahiraient profondément notre camaraderie. Et pour quels avantages ? Le confort d’un hôtel. Ces gens seraient donc les représentants de la médiocrité en matière d’amitié et en questions humaines. »

Albert Frankeistein

mercredi 20 juin 2018

So.

Je t'aime comme le chuchotement des dernières gouttes de pluies. Je t'aime comme le soupir des premiers rayons sur l'eau. Je t'aime comme nous échappe quelques couleurs, comme la tige maltraitée des fleurs. Je t'aime comme un rire frigorifié, comme un nombril mal assumé. Je t'aime comme le temps tourne trop vite. Je t'aime comme on s'abrite n'importe où. Je t'aime comme un hoquet électrique au milieu d'une tempête hystérique. Je t'aime comme un final en apothéose, le ciel qui pleure et rit en même temps, comme une voiture qui explose, ses roues tournant infiniment.

mercredi 28 mars 2018

Manif bazard

Je ne suis pas content de cette journée de manif du 27 mars. Franchement, le dernier truc dont j'ai envie est d'adopter un un ton moraliste, mais face aux événements d'hier je ressors l'évangile de bonne conduite parce que y a deux trois truc que je n'ai pas digérer, vu la hargne avec laquelle d'aucuns m'avaient convaincu de leurs rêves de fraternité de respect et tout le tralala. Bien sûr je me rappelle que personne n'est surhomme, que même bien intentionné au départ, nos failles, ça nous fait parfois déconner, surtout dans un truc aussi passionnant que les luttes sociales. Je ne suis pas content et en même temps je n'en veux à personne. Il en reste que je me suis sentis dénigré par l’événement que je vais décrire. Je tiens aussi à informer un peu sur les paradoxes des causes qui nous rassemble. A bon entendeur.

----Une manif "narmole"----

Après une AG copieuse (6h... j'me plain pas, c'est bien le temps qu'il faut pour nourrir une utopie) et un effort de démocratie convaincant où tous eurent l'occasion d'exprimer infos, rumeurs, émotions, convictions, joie, peur... et de voter directement les décisions - autant le dire, une démocratie plus vraisemblable que l'"officielle", l'illégitime- nous sommes donc partie manifester, zigzaguant dans artères Montpelléraine, direction l'hôtel de police, symbole trahi et violemment bafoué de notre sécurité / liberté. Bloquer les rues, entre autre pour adresser notre soutiens aux tyrannisé de jeudi soir, avait quelque chose d'euphorisant, comme si le cancer que j'ai dans l'âme se résorbait petit à petit. On regrettait l'absence de tambours. Qu'à cela ne tienne, parfois on dansait. Pas longtemps, c'était crevant de danser sur des slogans et puis tout le monde clopait. "Travaille consomme pis ferme ta gueule!" J'étais plutôt d'accord avec celui là, bon résumé du diktat du travail et notre aliènement à la consommation. "La rue est à nous" Ouai, c'est vrai que la rue, c'est l'espace public suprême en ville. C'est le liant entre moi et le voisin. Si la rue elle n'est plus à nous, nos rapports mutuels ne nous appartiennent plus non plus. Alors ok, la rue elle est à nous baby. Puis franchement, ça me fait vibrer de le croire.

----"Les gens intelligent ne juge pas" Krishnamurti----

"Tout le monde déteste les fashistes" bon là, je commence à tiquer. Je commence à gueuler "tout le monde déteste le fascisME!" J'insiste bien sur le "SMEUH", on dirait un veau pas content. Puis je cris que je déteste pas les gens, même s'il sont fascistes, même s'ils m'ont déjà collé un pain une fois. Je les trouve cons, à la limite. Et encore, je sais pas à quel point. Faudrait que je les isole à tour de rôle et que je leur tire les vers pour comprendre les motivations de chacun. En fait pour aller plus loin, si tu captes que de A jusqu'à Z tout se conditionne, tout est réaction en chaîne, interdépendant, logique (la profonde, celle qui nous échappe de logique), tu n'arrives plus à juger. Tu t'opposes aux comportements violents, parce que c'est ce qu'il faut faire, mais juger les gens, tu le fais pas, ou alors juste parce que c'est rock n roll, ça te donne un petit air méprisant critique que certain trouve sexy, mais sincèrement, t'es pas beaucoup moins con que l'autre là. Moi j'ai pas le temps de tirer le portrait psychologique de tous les blessé de ce système. Y'en a qui se retrouvent militants, y en a qui s'abritent derrière un écusson, d'autres derrière le fric, la politique, certains finissent en zonz ou en asiles et quelques uns deviennent fashos. La violence que chacun à reçu, ça se compare pas, c'est des mondes en soi, c'est complexe, pas une science exact. En plus de ça, montrer aux gens que vous ne les catégorisez pas par rapport à leur conneries, ça a plusieurs avantages: premièrement, vous ne vous rendez pas malade (les préjugés, c'est foutrement maladif. Au mieux, ça ne bouffe que l'intelligence) Ensuite, vous faites passer le message à l'autre: Je m'oppose à une ou plusieurs de tes attitudes "mais j'envisage que tu puisses être autre chose" Vous lui laissez moins de place pour se braquer, plus de place pour se transformer, ou simplement réfléchir. L'égo est moins titillé. La mathématique peut paraître débile mais elle m'a fait calmer des gars vraiment agressifs. Attaquer la partie la plus susceptible de l'homme, son égo, c'est somme toute mettre un beau bordel dans nos rapports. Perso, mon désir n'est pas simplement d'empêcher aux fashistes d'agir, mais au fashisme d'avoir des adhérents toujours plus violents, profondément embrigader, sans espoir d'un quelconque biais de réconciliation.

---Nique la prison---

"Pétel en prison" là je trésaille un peu et en même temps j'ai un doute . Je me dis, "prison" c'est leur manière de dire "justice"... ça peut se comprendre. Mais ensuite je déraille: "BA POURQUOI ILS NE DISENT PAS JUSTICE!" "Prison" c'est juste une conséquence de ce qu'on nous vend comme la justice. Pas sûr que la conséquence et le produit soit très légitime... Il y aurait beaucoup à dire à propos de la gestions de nos établissements pénitenciers (privatisation des services, insalubrité, corruption, maltraitances...) souvent la suite d'une justice castratrice dont la forme même était normalement un antidote à toute forme de rébellion. Ba non. Trop de failles vous dis je. Incorrigible. Bref, je ne me bas pas contre une forme d'emprisonnement, la réduction d'une chose libre à l'état de captive, pour en promouvoir une autre. La justice, ça se débat comme 6h d'AG, car c'est encore une utopie ici bas.

----All cops are beautifool?----

Enfin nous arrivons devant les quartiers de la haute discipline. En tenue de CRS, une bonne trentaine, calmement postée à l'entrée. Le groupe de manifestant garde une bonne distance, disons 20 mètres. Puis se joue une joute verbale à sens unique. La police ne bronche pas. Je ne suis pas d'accord avec certains slogans stigmatisant "tout le monde déteste la police" ("Police Pétel Fashiste complices" ne me gêne pas vu la conjoncture  des événements récents") Au bout d'un moment je me dis que c'est absurde, eux juste là, avec l'impossibilité de discuter, à cause de la distance et de l'ambiance sonore. Alors quand une nana m'exprime qu'elle trouve ça craignos de s'avancer d'avantage, je ressens dans un flash un truc comme : "c'est certainement pas pour avoir peur que je suis venu ici, je ne suis pas mal intentionné, je ne suis pas con je ne vais pas leur foncer dedans, ils ne m'ont pas l'air d'avoir prévu de nous attaquer, ils tiennent simplement l'entrée, ils font actes de présence, l'ambiance n'est pas électrique, la place est suffisamment dégagé (sécurité visuelle), il n'y a pas de casseur" Je veux m'approcher pour parler avec l'humain derrière le blason. Je sais que ça peut paraître risible, mais je refuse de me perdre dans le constat morose que la police est irrattrapable. Pourquoi venir ici si c'est le cas? Le blason, c'est comme le théâtre: du virtuel, même si le virtuel peut faire mal. Je sors tout ce que j'ai de mes poches et le dépose au sol. J'enlève mon bonnet. Pendant deux secondes, j'hésite à me mettre en slip. Je sors l'intérieur de mes poches, montre mes paumes de mains et avance. J'arrive à 10 mètres d'eux, pas un seul n'a l'air de me prendre pour une menace, et voilà qu'un groupe de militant alarmiste me saute dessus et me force à reculer. Même pas le temps de m'expliquer qu'ils me tiennent "Qu'est ce que tu fous! Tu vas tout faire foirer!". Pour eux je vais déclencher la furie des flics. En faisant quoi au juste? Il ne me laisse pas vraiment l'opportunité de répondre. Je suis moins heurté de me faire alpaguer que par leur putain de stress contagieux, leurs injonctions, leurs peurs, alors que j'étais certain de pouvoir rester calmement à 10 mètres des CRS sans qu'ils aient d'avantage de raison d'intervenir. Rien ne démontrait qu'ils déchargeraient. Nous ne foutions pas le bordel, nous bloquions à peine le carrefour routier derrière nous, et surtout, il y avait une bonne visibilité. Je trouvais trop con qu'on se confronte comme deux grands murs sans chercher à se considérer en dehors des accusations habituelles. J'aurais essayé avant qu'on ne m'abreuvent de conseils et réprimandes paternalistes tout en m’empêchant de "les mettre en dangers". Quels danger? N'y avait il pas un risque dès lors que nous avons commencé à manifesté? Je note le même comportement oppressif que chez "l'adversaire", usant des mêmes arguments. S'il y avait un danger, je n'en étais pas un facteur direct, pas plus qu'eux avec leurs stress épidémique. Je n'empêchais personne de fuir si ça dérapait. Malgré nos graves divergences et leur position intimidante, je voulais regarder les CRS dans les yeux, sans haine, ne serais ce qu'à travers une question sans réponse. Je n'aurais pas insisté, j'étais pas imbécile, pas naïf, mais il me semblait que le geste était important, qu'un peu de crédulité pacifique avait déjà prouvé son efficience dans d'autres situations. Je n'ai pas eu l'occasion de l'exprimer, car on trouve toujours des raisons d’empêcher les autres de sortir du rang. Au final, nous sommes partis pour aider un squatt à ne pas être délogé, et personne ne voulait qu'on reste à l'extérieur du cortège. Plus libres de nos mouvements, même pacifiques, plus libres de prendre nos propres risques sans subir la peur des autres. Le risque individuel n'est t il pas toujours un risque collectif? La vie est un risque, mais l'austérité est partout.

----Don't forget make some trouble----

Au final, je suis satisfait de cette expérience car je comprends que le phénomène de peur est le frein à nos révolutions intérieures, là où nos rapports prennent leurs racines. Cette légitimité qu'on donne à sa propre peur, parfois se muant en mépris, c'est ce qui enclave notre appréciation d'autrui. Je prends aussi note du commentaires de mes camarades ce soir là "ce n'est pas le bon moment". Ils avaient aussi raisons. Il y a des moments plus propices pour parler à un policier. Mais tant que nous ne leur donnerons pas de considérations, il existera du mépris, il existera du clivage. Il y aura toujours des flics. Les flics ou les fashos ne sont pas le problème. Le système qui les éduque et les soumet l'est. Nos rapports font ce systèmes. Système de pensée, système d'oppressions, système de jugement, système de PEUR. Au delà de toutes les belles choses que j'ai aussi vu aujourd'hui, des qualités qui ressortaient durant nos débats, nos échanges, c'est aussi durant ces moments difficiles qu'il est nécessaire de faire preuve d'intelligence et de cœur, quitte à prendre un revers de la manche, je ne vois pas en quoi on régresserait d'avantage.

"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots." Martin Luther King