mardi 26 novembre 2019



Peut-être que l'humain se coupe du divin à mesure qu'il surpasse le rythme de la nature. J'ai dormi en tente, en forêt. Le soir venu, je ne pouvais qu'accepter l'absence de lumière avec tous les animaux m'entourant, exception faite des rares nocturnes dont on aperçoit surtout le silence. Aux aurores, je me réveillai en même temps que les oiseaux, les mammifères, la terre grouillante. Par ce simple retour à une vivance sauvage et pourtant harmonisée au gré de millénaire d'adaptation, cette cadence générale où finalement la perturbation humaine reste minuscule, mes sens s'aguerrirent de jour en jour. Je ne pouvais plus seulement voir ou entendre, mais la sensation des choses en moi devint de plus en plus physiquement perceptible. Je sentais les éléments s'immiscer dans mes cellules, aussi vrai que l'on sent l'eau d'une rivière nous emporter dans son courant. Le jour et la nuit sur terre sont une décision cosmique, les planètes les organisent à leur guise, et nous faisons partie de ce tout, à moins d'inventer le confort de l'électricité. Dès lors, nous ne vivons plus au rythme d'un ensemble sacré. Nous nous émancipons de l'ensemble et de sa magie au profit d'une idée du confort, une idée de la liberté qui somme toute est un tissu de désir toujours grandissant. Il y a une autre magie dans ce fait, mais elle me semble lutter contre notre conscience d'un ensemble plus ancien duquel, par ce tout petit changement de rythme, nous nous éloignons. Dès lors, lorsque nous observons cet ensemble par hasard ou par ennuie, il nous semble soudainement moins désirable. Alors nous pouvons nous élargir en éloge à son égard sans que nos actes ne suivent nécessairement nos mots. Cette profonde compréhension qui n'avait rien à voir avec les mots dépérit en même temps que nous nous attribuons la science des choses et que nous nous positionnons en acte tout en haut de l'échelle du vivant.

dimanche 24 novembre 2019

Savez vous ce qu'est l'humain? C'est un nouveau concept, vous allez adorer, il prendra beaucoup de place dans votre salon, vous ne résisterez pas faites moi confiance. Il débarquera pour vous dire qu'il a reçu une lettre. Dans cette lettre, il vous dira que quelqu'un lui a dit de venir chez vous, de sonner et de rentrer. Si vous ne croyez pas en l'humain, ne désespérez pas: il n'est pas venu seul. L'humain ne vient jamais seul. Sur la lettre, il y aura un tampon. Le tampon c'est une idée. Voici la plus grande puissance de frappe jamais mis à la disposition d'un être pensant : l'idée. Il vous dira que c'est ce qui lui permet d'être davantage qu'une bête. Vous ne laisseriez pas rentrer une bête chez vous, n'est ce pas? La bête est ignoble, mais l'humain, lui, tient une idée. Alors, il se pourrait qu'il rentre chez vous, qu'il installe ses meubles par dessus les vôtres, ouvre vos tiroirs, dorme dans votre lit, et en définitive, il appellera ça liberté. Tamponné sur sa lettre, découpé dans votre salon, votre petit carré de jardin, la liberté en concept. Ni voleur, ni profiteur, ni bourreau, ni victime. L'humain est chez vous, derrière vous, dans vos vêtements. Ne désespérez pas, vous recevrez votre propre lettre. Elle aura son propre tampon, son simulacre de justice. Savez vous ce qu'est un mime? C'est ce que l'humain fait. Il mime la vie. Il fait disparaître les choses, puis les mime. Il vole les espaces, brise les formes, dessine ses propres lignes, enterre ce qui était à l'extérieur et érigent en pyramide ce qui se trouvait sous terre, cloisonne, parcellise, revend et, au comble de son arrogance, fignole l'ensemble par un bout de papier qu'il nomme "acte de propriété". Qu'est ce l'humain? Une créature qui s'est permis d'avoir tout le temps raison, vainqueur d'une guerre sur le monde. Mais ce que le monde a perdu à cause de l'humain, l'humain se l'est retiré de lui même. Tout bon créancier sait qu’il ne peut jamais perdre, et il n’y a de créancier plus fort que la mort. Elle emporte toujours le brin de chair que vous lui devez.