mardi 30 décembre 2014

Elle ne m'a pas écrit hier. Je ne sais pas si je l'ai perdu. Je n'arrivais pas à pleurer. J'ai crié sous la couette pour que ça sorte, une seule larme à coulé.

Je repense à ce mec qu'on a vu dans un reportage, mon coloc et moi. Il s'était fait violer à l'âge de 10 ans et avait la trentaine à l'écran. Il se mutilait constamment le corps. C'était difficile à regarder, toutes ses plaies et cicatrices. Son visage était balafré, cassé comme le miroir auquel il avait mis un coup de boule. Je n'avais jamais vu ça. Il faisait beaucoup de sport, voyait souvent des psy, souriait tout le temps à la caméra en racontant doucement qu'il voulait aller mieux. Il souffrait, pensais à la mort tous les jours. Pourtant là, il gardait son calme, il se confiait. Il cherchait à se rapprocher du paradis vivant qu'il avait entrevu en même temps que la mort. Il avait été incapable d'aller suffisamment loin pour se tuer parce qu'il avait sentis quelque chose. Certaines personnes ont mal de la vie et ressentent son intensité, en bien et en mal, alors s'engage une longue lutte. Cette manière de se tenir devant les autres en était la preuve. Mais quand il n'y avait plus personne pour soutenir son estime, il devait se sentir trop humilié pour pleurer, alors il cassait tout, les formes, le sang, la bien-pensance, pour que les larmes n'aient plus peur. Je le comprenais. J'aurais voulu l'avoir en face de moi. Je l'ai en face de moi.

Quand mon coloc est parti, je me suis occupé toute la journée pour ne pas trop penser à elle. Je n'ai pas mangé. Ça m'a reposé. Aujourd'hui j'ai pleuré en me réveillant. Pas autant que j'en avais besoin mais suffisamment pour m'apaiser. Il fait beau. C'est vivifiant de ne pas manger parfois. Le corps est plus à l'écoute. J'aimerais pleurer encore, aujourd'hui je mangerai peu. J'irais au cinéma voir ce documentaire dont m'a parlé mon frère. "Le sel de la terre"  J'ai besoin de lumière dans mon imaginaire.
" J'ai frappé la maladresse plutôt que l'envelopper d'écoute. J'ai étouffé un rêve avec mes poings "

Je venais de quitter celle que j'aime pour avoir répondu aux intimidations de son père en le frappant. J'avais le cœur lourd et assez honte pour ne plus avoir envie d'ouvrir les yeux. Après m'être passé milles images, les unes pour oublier, les autres pour me rappeler, j'ai su répondre à la question "Suis je violent et pourquoi?"

Gamin, j'ai vécu à Sevran. Les souvenirs de notre 1ere appart dans la ville restent toujours les mêmes: Un matin de noël dans la salle à manger, "Wolf" avec Nickolson dans le salon, les cauchemars dans la chambre, mes parents surpris dans la leur, le bureau de mon père et l'impulsivité de celui ci.
Mon frère n'était pas né, je n'avais donc pas plus de 4 ans. Mon père me faisait peur ce jour là, je ne me souviens plus pourquoi. J'étais seul avec lui. Peut être m'avait t il grondé. Quand ma mère rentra à la maison je pleurai contre ses jambes. Ça agaça mon père. Ma mère me protégea mais je reçu des coups de pieds, un dans la tête, je ne l'oublierais pas. Je ne veux pas fustiger mon père, ça lui arrivait d'être violent mais il ne me frappait pas tous les jours et avait des moments de tendresse. Il était juste victime de son tempérament. Je ne peux pas non plus minimiser son impact sur ma vie... Je "martyrisa" un couple de frère et sœur à l'école maternelle. Pourquoi eux? Ils étaient asiatiques. Peut être leur différence... leur visage joufflu me donnait envie de les mordre. Je n'avais pas la raison, je n'avais aucune notion.

Ca n'a pas duré. La raison arrivant, dans les 8 écoles primaires et collèges que j'ai fréquenté en France, il y avait dans chacune des gamins qui reconnaissaient ma peur et m'humiliait à travers elle... L'humiliation... C'est étonnant. A 25 ans je découvre pour moi même une notion qui a traversé mon enfance. Un mot que ni les éducateurs, ni les psy n'ont formulé à côté de celui "d'abandon", comme si l'un ne dépendait pas de l'autre. Pourtant l'humiliation mouilla mon lit tardivement, me laissa seul dans la cours des écoles, m'envoya en foyer,  me donna des cauchemars pendant une vingtaine d'année, frappa le père de l'unique fille m'ayant aimé à ce point...
Ma violence, ma rage, ne sont venues qu'à l'adolescence. Elles n'intervenaient que dans certaines situations, sans englober ma personnalité mais avec des accès vers le cœur qui me laissait toujours dans le mépris de moi même. Pourtant, j'espérais parfois une bonne baston avec un mec de taille afin de me sentir homme. A la boxe le prof avait cet air martial et suffisant en nous expliquant l'efficacité d'un mouvement, comme si rouler des mécaniques forçait le respect. Ce n'était pas entièrement faux dans ce contexte... Je me suis rendu compte que la violence nous avait tous blessé un jour, les élèves, le prof et moi. Cet instinct de la force n'est pas inné. C'est la blessante culture de l'homme animal qui l'entretien.

Je l'aime cette fille... Devant son regard je me suis rendu compte de mon erreur, dans tout mon corps. Je donne un sens aux erreurs pour grandir. J'écris. Je pardonne. Je dis adieu à la violence. Je ne peux pas vivre autrement.

mardi 9 décembre 2014

J'ai eu des petites victoires dans tout ce que j'ai laissé tomber. Des gens qui m'appréciaient et ne m'ont pas laisser croire que j'étais totalement incompris, que j'avais totalement tort. Merci à ses amitiés courtes qui ont mué le souvenir de mes errances en coup d'avance.