mercredi 24 octobre 2018

Mer nacrée, évanescence astrale derrière l'horizon. Debout sur mon bateau, je remarque à peine le paysage, sa substance reste périphérique, je me complais dans une semi contemplation, imaginant la poésie, ses couleurs, ce que le mot même m’évoque, et pourtant, je pressens mon erreur, trop satisfait par cette absorption, ou trop insatisfait, je n'en sais rien. Le vent se fracasse contre les voiles de mon navire tendu, les voiles de mes pensées. Et puis merde, même quand je crois ne plus imaginer quoi que ce soit, il faut que je sonde benoîtement cette étendue de flotte tout autour de moi, c’est à dire, partout où je ne suis pas. Je suis debout dans une coque, je glisse entre vents et eaux, mais la contemplation que je leur voue tremble sous les afflux de mon mental. Et moi, qui je suis dans tout ça? Les vents contraires sont les artères du ciel, fleuves et rivières sont ceux de la terre. Tous se jettent dans l’océan, cœur de mes songes. Je ne sais pas voler, je ne sais pas voguer, mais je peux couler. Je ne tends plus la voile, le navire est en proie d’une indicible prostration. Le poids du bon sens fait craquer le navire durant des jours, perce la coque de toute part. L’eau engloutit le bois gondolé au compte goutte et le bateau chavire si lentement qu'on le croirait attaché à des milliers et des milliers de fils se rompant les uns après les autres. Plusieurs saisons ont passé, et la pointe du mat embrasse presque la surface miroitante de l'eau. Une oreille contre la mer pour sonder le bruit de ses entrailles, mon navire s'enfonce tranquillement, comme dans une épaisse boue. Bientôt, nous seront immergés. Le monde n'existera plus jamais à mes sens. Indolent, le navire s'éloignera de moi, l'océan nous séparera: des jouets perdus dans son immense chambre. Disparaissant dans l'abîme, les maigres rayons du soleil me désigneront l'unique trajectoire. Plus au fond encore. Je coule, je m'absorbe, je comprend mon inconsistance. Le silence qui se tenait tout à l'heure à distance de moi pénètre désormais chacune de mes cellules. Je croise un gigantesque mirage dont les gouvernails de chair me font songer à l’homme que je tentais d’être. Son chant d’orgue convie ma solitude à un abandon définitif. Je glisse goulûment durant un siècle, un millénaire, trois secondes. Le temps est devenu une chose impossible, une chose qui se décompose mais résonne toujours, ou bien dort t-il profondément. Chut... Là haut, le jour ne se lèvera plus. La croûte terrestre respire avec tant de délicatesse... Personne ne s'en était aperçu. Le sable gonfle et roule dans un sillon ridicule pour y disparaître. Je m'y engouffre. Et glisse, et coule, et glisse, et coule dans l’espace insondable, spectre infini dont l’océan n’était qu’une variation terrestre. Mon corps s’est dissout en traversant des étoiles. Le chant d'orgue s'est accroché au pan de ma chute et m'accompagne, à peine perceptible, vibration douce et pleine de langueur subjuguant les abysses, œuvrant des énergies sidérales :

Les bateaux quelques fois, n’ouvrent point élancé, n’attachant pas les voiles et subissent pensées,

Les grands mats des paquebots, sont tuyaux de poussières, qui s’abattent roseaux, aux couleurs prisonnières,

Sous la plage de sable, éloigné de toute onde, douloureux animal, caressé par la trombe.

Enfant intérieur

"Trouver son enfant intérieur" et "faire l'enfant" - expression injuste sous entendant un lien intrinsèque entre enfance et comportement puéril - sont des choses distinctes. "Trouver son enfant intérieur" ne s'agit pas de se rouler par terre en hurlant pour exprimer son mécontentement, de péter dans le nez de son copain pour la blague ou d'enfermer sa copine sur le balcon par temps de gel, mais d'apprendre, ou plutôt de désapprendre ce qui nous empêche de trouver du plaisir dans les choses simples, des activités solitaires autant qu'à plusieurs, et de cultiver l'innocence sincère pour toujours se laisser surprendre par les déguisements que la vie aime porter, rompre avec nos schémas immuables remplis de préjugés, abandonner une bonne partie, voir la totalité, de nos attentes et désirs de contrôle. Trouver son enfant intérieur c'est le réinventer, le ré-enfanter avec le monde, et donc d'ouvrir tout notre être au présent qui est l'organe reproducteur suprême de l'âme.

Pensées

Les pensées font s'échapper du présent. Le présent fait s'échapper des pensées.

La nostalgie est la faculté d'oublier les mauvais moments.

Se défendre de tout est une forme d'apitoiement.

En ne renonçant à rien, on s'abstient de choisir.

L'absence de soi et s'abandonner à quelque chose sont deux choses distinctes et contraires.

Ils disent que la société tue notre créativité. Peut être. Mais c'est aussi nous qui l'abandonnons.

La pudeur c'est aussi vouloir rationaliser les émotions, chercher à tout décortiquer avec des mots plutôt que vivre le grand vertige de la vie.

Douter et croire sont la même chose. La vie c'est : à quel point puis je accepter de n'être sûr de rien?

L'humain, ce grand mur, ce grand instable, ou bien cette libération, ce ciel.

J'ai vu la douleur cacher un potentiel bien plus lié au bonheur qu'on le pense. Celui qui n'a jamais souffert est pauvre.

Accepter les choses telles qu'elles se présentent ou bien croire en un réconfort post mortem, chacun sa stratégie.

Il y a des choses que je n'ose leur dire par crainte de frustrer ce qui habituellement flatte leur égo.

Plus tu vieilli, moins tu t'éloignes de tes propres lois, moins tu es prompt au changement. Tu t'observes faner de l'extérieur, alors ton esprit pense aussi dépérir, et tu nourris ta lenteur comme l'ultime crédo qui le retiendra.

Luttent contre le pouvoir ceux dont la liberté en souffre, où qui en ont souffert de sorte que leur mémoire en ait gardé l'indélébilité.

Le vrai pouvoir ne lutte jamais. Sitôt il le fait qu'il est en chute. Le pouvoir se maintient tant qu'il ne l'oublie pas.

La pensée est lutte.

Les choses nous dérange seulement dans nos limites.

La lâcheté n'est pas de la peur, mais une réaction à celle ci. Il en existe une autre: Le courage, n'existant pas sans la peur.

Les enfants n'ont pas besoin de faire le ménage. Seuls les adultes l'ont.

Les adultes ont beaucoup de besoins auprès des enfants mais se convainquent de l'inverse, comme un citadin peut se convaincre de la médiocrité de vie d'un campagnard.

L'humilité provient du respect de l'impermanence.

L’indifférence est parfois un masque modelé par le sentiment d’impuissance

Il n'y a que Dieu qui puisse juger... idée complètement absurde. Il n'y a que Dieu, être omniscient, qui puisse savoir qu'absolument personne ne peut être jugé.