vendredi 21 août 2020


Imaginez... découvrir quelque chose qui s'oppose a une réalité si banale et quotidienne que vous êtes incapable de l'expliquer aux gens, incapable de rendre compte d'une des émanations les plus profondes de votre expérience. Vous êtes seul avec ce sentiment et devez l'accepter, comme un deuil, votre solitude, votre devoir de vivre. Vous ne pourrez plus jamais vivre aux contacts des autres sans ressentir le fossé qui vous sépare, et vous ne pourrez jamais ni le maudire ni le nier. Imaginez savoir cette chose si opposée au banal que vous n'arriviez plus à vous sentir innocent.

dimanche 12 juillet 2020

J'ai pris du plaisir à m'habiller en suivant les codes de la féminité. Je ne dirais pas "me déguiser en fille" car je n'ai pas l'intention de singer un sexe que je n'ai vécu qu'indirectement, à travers mes partages conscients et inconscients avec celles qui vivent ce genre. J'ai aimé ce changement dans le soin apporté à mon apparence, ce revirement de repères, cette révolution dans la manière de me représenter au monde. Me raser de prêt, me maquiller les lèvres, me noircir les paupières comme un berceau pour le regard, suspendre des créoles à mes oreilles, dissimuler ma calvitie frontale avec un bandeau bariolé, auréolant définitivement mes traits exotiques, me glisser dans une longue jupe noire et un t-shirt blanc coupés aux épaules et au bassin, déhancher celui ci dans une sensualité soudainement éprouvée. Ok nous allions à une soirée déguisée, ok avais je eu besoin de ce prétexte mais, tout plaisir et amusement sauvegardés, cela n'en restait pas moins très authentique pour moi. J'avais pris soin de mon rapport au thème de la soirée et il n'était pas l'occasion de faire le pitre, mais une vraie opportunité d'exploration, comme un rituel, de ceux que la modernité rend parfois bouffons mais qui ne le sont pas par essence.

A la soirée, je demandai une clope à Chloé, féministe goguenarde, cérébrale, sympathiquement condescendante et madame je sais tout à mes yeux. Elle m'en tendit une en se moquant de ce que d'après elle j'imitais un cliché de fille sensuellement nonchalante. Elle ne se moqua pas de la performance, fut elle crédible ou non, mais de l'intention d'imiter de la part d'un garçon mue par l'esprit de compétition et des clichés de genre. Condescendante je disais. Mais je n'imitais rien, en tout cas pas au delà des mêmes intentions de femmes s'influençant les unes les autres, ou de toute autre personne inévitablement mue par la reproduction sociale. Madame je sais tout n'avait jamais vraiment tenté de me percevoir au delà de ses certitudes, elles mêmes stéréotypées. Nous nous entendions pas trop mal, mais nous ne nous connaissions pas vraiment. Aussi, ne faisais je jamais de remarque à l'égard de sa personnalité, délicatesse qu'elle avait moins envers les autres et moi même. Me fais pas chier Chloé. Je laisse exprimer quelque chose de moi qui ne s'exprime pas autrement, quelque chose de bloqué sous ma fonction sociale d'homme, de garçon, quelque chose qui me fais sentir moins borné, moins gauche. Je m'approprie ces artéfacts, et pourquoi pas, les femmes ne sont pas ennemies, j'ai droit aux mêmes accès qu'elles et inversement. Ce ne sont pas que des vêtements, que du maquillage mais des portes ouvrant à d'autres paysages intérieurs. Ce n'est pas tant la fille en moi qu'une sensualité, une indépendance de mouvement que notre incomplétude rattache au sexe opposé. Je suis un homme, ça saute aux yeux, mais je ne veux pas être prisonniers des peurs, des engagements, des stratégies que nos représentations genrées dissimulent, les tiennent aussi Chloé. Je veux jouer, jouer très sérieusement avec tout ça. Alors te moques pas s'il te plait. Rien ne me pousse plus à saisir cette représentation du corps que le besoin de dédiaboliser ces comportements esthétiques enclavés en moi, tu comprends, en moi, l'homme, la femme, le lapin, la grenouille, la crotte de nez, la météorite, en moi que tout ça existe! Ou les femmes dites "garçons manquées" ne feraient que singer le sexe fort? Allons, la vérité est bien plus pertinente que ça.

mardi 7 juillet 2020

Crise d'adolescence?

Quand j'étais minot, ce que je perdais en amitié avec la plupart des garçons, faute d'avoir eu des habits de marques populaires, faute d'avoir su faire la roue avant au vélo, faute d'avoir eu une playstation flanquée sous la téloch familial, je le récupérais parfois en succès auprès des filles. Je ne le cherchais pas vraiment, au contraire, et cela devait participer à mon charme. Allez savoir pourquoi, je restais d'un désir passif face à la plupart me faisant leurs avances, ne rejetant ni n'acceptant ces dernières, excepté avec Sarah qui avait tout pris en main dès le début, comme dans la plupart de nos jeux. Je ne lui ai jamais demandé d’où lui était venu cette lucidité qui, à six ans pour elle et moi cinq, brûla toutes les étapes du touche pipi pour s'adonner au franc contact de nos muqueuses, exception faite de nos trous de balle, partie anatomique très émouvante pour des maternels tels que nous mais trop malodorante pour qu'on veuille y flanquer quoi que soit d'autre qu'un escadron de doigt planqué derrière du PQ. Sarah et nos expériences sexuelles devinrent les ambassadrices de ce que je pouvais vivre de plus riche à ce niveau là, car il y avait bien d'autres niveaux tout aussi important dans ma vie tel que faire du vélo près du canal de l'Ourcq, les petits suisses, les minikeum et les jeux dans les parcs, aussi toutes mes additionnelles admiratrices me donnaient mollement envie et me rendaient même perplexe. Je n'avais pas le gouts des opportunités et mes ambitions s'arrêtaient à ce que je connaissais déjà, c'est à dire Sarah, les activités précitées, aller à Disneyland et manger toute la gamme de kinder, sauf les bueno, gâteau illégitime fade à l'intérieur avec une croute ne s'assumant pas en tant que telle. Jusqu'au milieu du collège, des filles venaient de temps en temps me prévenir que je plaisais à leur copine, ou la gamine d'amis à mes parents m'écrivait des mots doux avec en P.S. "tu peu me raipondre la prochaine foi". Mon succès naturel s'est estompé en fin de collège, et pratiquement disparu à la fin du lycée, avec mes premières tares visibles, constitué pour la plupart par le devoir au masculin, hormones en ébullitions et artillerie d'injonctions. Je n'assumais pas celui de faire la démarche de séduction, ou trop maladroitement pour que ça ne foire pas, que ce fut auprès des toutes jeunes femmes, de mes parents, et le reste du monde. C'est effroyable... de s'apercevoir comme les prémisses du monde adulte coïncident en tout point avec le sentiment qu'il nous faut de plus en plus justifier notre existence aux yeux des autres. L'un et l'autre phénomènes se sont accompagnés, congédiant de la même main toute la candeur du monde. Je suis entré en crise lorsque ma masculinité devint consciente de la construction qu'elle devrait entamer pour être aimé à nouveau. Elle vint au jour lorsque, chassée de l’innocence comme du jardin d'Eden, les dieux des stratagèmes sociétaux me chargèrent les épaules d'une livrée que je ne voulais pas et qui m'entrava le cœur d'une ombre. Mon plus grand regret est d'avoir quitté l'enfance, et mes plus grandes découvertes furent quand je la rejoignis à nouveau, le temps d'une valse.

jeudi 21 mai 2020

Sale habitude de garder nos portes fermées, de dresser des barrières opaques entre nos jardins, de redouter le regard de l'étrangère.er. Bonne habitude d'ouvrir nos portes régulièrement, de créer des passerelles entre nos mondes, de considérer l'autre non plus comme l'étranger.ère mais comme l'ami.e probable. Je ne dis pas que nous devrions être toujours disponible à l'autre, mais que lorsque nous allons bien nous ne devrions pas cloisonner les espaces par morne habitude. Comment ne pourrait il pas demeurer quelques limites à nos interactions si nous perpétuons de symboliques défenses sans même y penser? M'est avis.

samedi 2 mai 2020

On s'habitue aussi bien à donner la mort qu'à embrasser quelqu'un. Il y a ceux qui meurent par le fer, et il y a la tendresse qui finit par s'amenuiser sous chaque baiser. Parfois on remplit sa vie de bruit pour combler le manque. La seule chose qui survive au temps est le sens que l'on donne à nos gestes. Plus nous le faisons, plus nous imprégnons le chaos de cohérence, et plus notre âme sait apaiser les flots qui la font naviguer. Harmonie, nous avons foi en toi.
Il y a des vérités qui restent constamment inaudibles, maintenues à distance par les choses que l'humain prétend posséder et qui l'empêchent de voir bien au travers.

jeudi 16 janvier 2020

Je me suis levé tôt. Je prends mon thé en regardant la belle aurore incandescente. Les petits oiseaux semblent déjà joueurs dans mon jardin, leur piaillement sur fond de bruit d'autoroute qui se trouve à 3 kilomètres. J'entends aussi une horde de chiens. Des chasseurs? Peut être. Je pense aux cages, à tous les humains et animaux qui se réveilleront dedans aujourd'hui et à ceux qui les côtoierons pour la journée. Je me sens chanceux.

jeudi 9 janvier 2020

Depuis deux mois, à côté de mon nouveau chez moi, je passe devant 3 chèvres avec un pincement au coeur: celles ci sont attachées à une chaine, à plusieurs mètres les unes des autres, dans un carré d'herbe miteux en bord de route. Pour autant, je me suis habitué à cette vision, outrepassant mon sentiment d'impuissance, faisant tomber l'injustice dans le banal, le normal. Ce n'est que hier soir que j'ai franchis une limite face à elles, sentant au fond de moi que je me leurrais, que je me détournais de mes vraies envies d'amour, d'altruisme, tout simplement par peur et complaisance. J'ai enjambé un petit cordon balisant l'entrée de la propriété. J'ai violé cette limite invisible, logée dans mon esprit. Une fois surmontée cette dernière, que les loi ou des proprios me tombent dessus n'avaient aucune franche importance. J'ai été voir ces chèvres, ces chèvres qu'on attache là, faute de mieux et de volonté. Ces trois chèvres qui se regardent de loin, ne peuvent jamais se toucher à cause de leur chaine d'à peine 2 mètres. J'ai violé cette image champêtre et banal d'animaux ne se plaignant pas, regardant mollement la route depuis leur petite niche, cette image facile à accepter, à mettre en toute fin de liste, derrière nos autres si chères priorités. Je me suis assis là, à côté d'elle, la route devant, à 3 mètres à peine, le bruit des voitures déboulant du silence toute les minutes, leur phares aveuglants dans la gueule, le même paysage 24h sur 24, 7 jours sur 7. Comment avais je pu ne jamais m'arrêter? Putain. Putain d'humain que je suis. Hautains que nous sommes.