dimanche 12 juillet 2020

J'ai pris du plaisir à m'habiller en suivant les codes de la féminité. Je ne dirais pas "me déguiser en fille" car je n'ai pas l'intention de singer un sexe que je n'ai vécu qu'indirectement, à travers mes partages conscients et inconscients avec celles qui vivent ce genre. J'ai aimé ce changement dans le soin apporté à mon apparence, ce revirement de repères, cette révolution dans la manière de me représenter au monde. Me raser de prêt, me maquiller les lèvres, me noircir les paupières comme un berceau pour le regard, suspendre des créoles à mes oreilles, dissimuler ma calvitie frontale avec un bandeau bariolé, auréolant définitivement mes traits exotiques, me glisser dans une longue jupe noire et un t-shirt blanc coupés aux épaules et au bassin, déhancher celui ci dans une sensualité soudainement éprouvée. Ok nous allions à une soirée déguisée, ok avais je eu besoin de ce prétexte mais, tout plaisir et amusement sauvegardés, cela n'en restait pas moins très authentique pour moi. J'avais pris soin de mon rapport au thème de la soirée et il n'était pas l'occasion de faire le pitre, mais une vraie opportunité d'exploration, comme un rituel, de ceux que la modernité rend parfois bouffons mais qui ne le sont pas par essence.

A la soirée, je demandai une clope à Chloé, féministe goguenarde, cérébrale, sympathiquement condescendante et madame je sais tout à mes yeux. Elle m'en tendit une en se moquant de ce que d'après elle j'imitais un cliché de fille sensuellement nonchalante. Elle ne se moqua pas de la performance, fut elle crédible ou non, mais de l'intention d'imiter de la part d'un garçon mue par l'esprit de compétition et des clichés de genre. Condescendante je disais. Mais je n'imitais rien, en tout cas pas au delà des mêmes intentions de femmes s'influençant les unes les autres, ou de toute autre personne inévitablement mue par la reproduction sociale. Madame je sais tout n'avait jamais vraiment tenté de me percevoir au delà de ses certitudes, elles mêmes stéréotypées. Nous nous entendions pas trop mal, mais nous ne nous connaissions pas vraiment. Aussi, ne faisais je jamais de remarque à l'égard de sa personnalité, délicatesse qu'elle avait moins envers les autres et moi même. Me fais pas chier Chloé. Je laisse exprimer quelque chose de moi qui ne s'exprime pas autrement, quelque chose de bloqué sous ma fonction sociale d'homme, de garçon, quelque chose qui me fais sentir moins borné, moins gauche. Je m'approprie ces artéfacts, et pourquoi pas, les femmes ne sont pas ennemies, j'ai droit aux mêmes accès qu'elles et inversement. Ce ne sont pas que des vêtements, que du maquillage mais des portes ouvrant à d'autres paysages intérieurs. Ce n'est pas tant la fille en moi qu'une sensualité, une indépendance de mouvement que notre incomplétude rattache au sexe opposé. Je suis un homme, ça saute aux yeux, mais je ne veux pas être prisonniers des peurs, des engagements, des stratégies que nos représentations genrées dissimulent, les tiennent aussi Chloé. Je veux jouer, jouer très sérieusement avec tout ça. Alors te moques pas s'il te plait. Rien ne me pousse plus à saisir cette représentation du corps que le besoin de dédiaboliser ces comportements esthétiques enclavés en moi, tu comprends, en moi, l'homme, la femme, le lapin, la grenouille, la crotte de nez, la météorite, en moi que tout ça existe! Ou les femmes dites "garçons manquées" ne feraient que singer le sexe fort? Allons, la vérité est bien plus pertinente que ça.

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