samedi 25 janvier 2014

Paris ça craint


“Je suis assis seul dans le carré 4 places, à côté des portes du RER. Le mec est petit et trapu. Son visage aurait probablement été agréable et viril s'il n'avait pas épilé ses sourcils dont les extrémités montent très haut vers les tempes sans jamais redescendre. Ça lui donne plus l'air "pervers pathétique" que "sociopathe sournois" ... Suffisant pour faire flipper les nanas apparemment (salutations à toutes celles qui ont le sentiment de vivre dans un monde d'hommes frustrés) Une 1ere, assez galbée pour son jeune âge, trop mise en valeur... carrément allumeuse, se fait intimider par ce mec qui la poursuit silencieusement en faisant mine d'être intéressé par le plan depuis trop longtemps pour être crédible. Ses allers-retours derrière la nana ne laissent aucun doute sur ce qui l'intéresse. Elle longe plusieurs fois le wagon sans demander d'aide aux gens qui l'ont remarqué mais continuent leurs petites affaires. J'assume de l'interpeller après que son popotin soit passé devant moi pour la 3eme fois. Je lui assure qu'elle peut descendre du train sans crainte, j'empêcherais que le type la suive. Il m'a vu, alors il est resté à l'autre bout de la rame. Je le rejoins, au cas où il veuille descendre, tout en regardant la nana théâtraliser sa fuite. Il sait qu'il a été grillé mais joue l'innocent et me demande dans un Anglais de Roumain pompète comment il doit faire pour rejoindre une station qu'il a l'air de choisir au pif. Je lui explique qu'il suffit d'attendre 5 arrêts et vais m'asseoir. Rebelotte avec une seconde nana, pas vulgaire pour un sous, qui vient de monter. Dans le tram, les mêmes personnes qui ont assisté à la 1ere scène. C'est dingue, encore une fois personne n'intervient, la fille n'ose pas demander d'aide. Je lui dis de s'asseoir à côté, qu'il ne lui arrivera rien, qu'elle ne devrait pas hésiter à interpeller les gens, que la plupart sont bons et lui viendront en aide... La blague. Les autres sont trop occupés par l'image qu'ils se donnent pour oser intervenir. Le pervers, on dirait un gamin amoureux qui a un peu honte de ne pas réussir à cacher son gros béguin. Évidemment qu'il pourrait être dangereux dans un autre contexte, mais avec autant de gens dans le train, l'intervention ne tient pas de l'héroïsme. Mais non, les gens entretiennent leur dédain. Ils affichent leur bonnes mines, sortent la dernière blague qu'ils ont entendu, parlent d'eux mêmes de la même manière que la société leur à appris en faisant abstraction de leur honnêteté. Tout n'est qu'un lâche consensus pour se complaire. Il ne faut même plus dire ce qui va mal, sous peine de casser la petite ambiance, aux yeux des gens qui vous connaissent mal bien entendu. Ces gens qui vous jugent égoïstement vite préfèrent entretenir leur confort plutôt qu'enlever leurs œillères, s'ouvrir à la critique constructive, prendre des risques, intervenir quand quelqu'un se fait emmerder, comme si relever les défauts de quelque chose signifiait que tout était foutu..
 
Pour le coup, le mec tente de descendre en même temps que la nana. Je le pousse en le questionnant sur sa destination, ses projets ce soir... Il sort les mains de ses poches, je crains qu'il veuille me frapper alors je le repousse en le menaçant "stop your shit ! " Je vais m'asseoir. Je suis tellement énervé par le manque de réaction autour de moi que je retourne m'acharner sur le mec, parce qu'il est le seul à me paraître vivant. Je le prends en photo dans l'espoir que ça le fasse rentrer chez lui, dessaouler et prendre conscience à quel point il est rassurant de ne pas s'attirer des problèmes juste parce qu'on est tombé dans une société incapacitante. Je me dis, peut être qu'il tente d'avoir des relations forcées car personne ne lui parle. Personne ne lui parle quand il cherche un regard dans un bar surchargé. Personne ne lui parle quand il poursuit une femme dans une ruelle sombre. Ce mec a tellement peur de ce silence qu'il tente de le gommer avec un regard sur-épilé. Son personnage est tellement bancal et apeuré qu'il parait encore simple de l'aider, avant qu'il ne s'oublie dans un rôle plein d'assurance et encore plus dangereux. Tout ce que j'ai réussi à faire, c'est prendre une photo de lui et baragouiner en Anglais qu'il devrait aller dormir au lieu de vivre dans une errance pleine de gouffre (avec des mots normaux). C'est trop con, mais au moins j'ai levé mon cul.”

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